L’anatomopathologie – Techniques innovantes
La « biopsie liquide », non invasive, permet d’aller encore plus loin dans la prise en charge personnalisée en oncologie.
Les connaissances sur la biologie des tumeurs sont en constante évolution et jouent un rôle crucial dans la prise en charge des patients non seulement au moment du diagnostic, mais tout au long de la maladie.
En effet les nouvelles thérapies consistent de plus en plus en des molécules ciblant des spécificités biologiques tumorales (surexpression ou mutation de certaines protéines / amplification ou mutation de certains gènes ou encore les composants du micro environnement tumoral).
Ces altérations sont généralement étudiées dans le tissu tumoral, à l’aide de diverses techniques de biologie moléculaire.
Le cancer étant un processus dynamique, ces caractéristiques peuvent varier au cours du temps.
Le besoin d’analyser la tumeur régulièrement devient donc une nécessité, mais se heurte à la faisabilité et au risque de gestes invasifs répétés, tels que biopsies à l’aiguille, prélèvements endoscopiques ou chirurgie ouverte (qui restent cependant le « gold standard »).
Les progrès en biotechnologie permettent actuellement de retirer de plus en plus d’informations des biopsies liquides, basées sur des petites quantités de matériel d’origine tumorale larguées dans le sang périphérique, sous forme de cellules malignes (cellules tumorales circulantes : CTC), de fragments libres d’ADN (ADN tumoral circulant, ctDNA) ou d’ARN.
Elles commencent à être utilisées dans le cadre du traitement des cancers pulmonaires non à petites cellules, et leur application dans d’autres domaines (cancer du sein, du colon ..) est imminente.
Exemples :
Le cancer du poumon : des thérapies ciblées se sont avérées efficaces en présence de certaines altérations spécifiques du génome tumoral : certaines mutations du gène EGFR procurent une sensibilité accrue de la tumeur aux inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR (EGFR-TKI).
Au moment de la progression, une mutation additionnelle du gène EGFR (mutation T790M) peut être mise en évidence chez certains patients, induisant une résistance à ces EGFR-TKI dits « de 1re et 2e générations ». Ce sous-groupe peut alors bénéficier d’un autre EGFR-TKI dit de « 3e génération ».
En revanche, les mutations de KRAS (chez 25 30 % des patients) prédisent plutôt une faible chance de réponse aux TKI.
En cas de réarrangement des gènes ALK (2 7 % des patients) ou ROS1 (1 2 % des patients), d’autres TKI, offrent des taux de réponse supérieurs à 50%.
Dans ces circonstances, la nécessité d’évaluer les mutations en temps réel semble évidente, alors que l’accessibilité au tissu tumoral peut être plus ou moins difficile. Aujourd’hui, l’analyse du ctDNA à partir d’une simple prise de sang, permet la détection de ces mutations prédictives avec, pour le gène EGFR, une spécificité de 93 % et une sensibilité de 70 % par rapport aux analyses effectuées sur le tissu tumoral.
La biopsie liquide peut donc être utilisée comme alternative lorsqu’une biopsie tissulaire ne peut être obtenue, en particulier pour la recherche de mutations de résistance développées secondairement.
Le cancer du sein et le cancer colo-rectal : des données préliminaires encourageantes suggèrent que la biopsie liquide pourrait prédire le risque de rechute et ainsi aider à sélectionner les patients(es) nécessitant un traitement systémique.
Selon ces études préliminaires, elle pourrait aussi être utile pour évaluer le risque de maladie résiduelle chez les patients opérés, pour détecter plus précocement la rechute et pour ré-orienter le traitement chez les patients métastatiques.
Elle est également en cours d’évaluation dans le dépistage.
EN RESUME
- La connaissance précise de la biologie tumorale influence de plus en plus la prise en charge des patients.
- Les biopsies liquides ont l’avantage de pouvoir être répétées de façon peu invasive.
- Les biopsies liquides pourraient à l’avenir jouer un rôle pour le dépistage, l’évaluation du risque de rechute et la gestion de la prise en charge.
- La biopsie tissulaire, permettant d’évaluer à la fois les cellules cancéreuses et leur microenvironnement, reste toutefois l’analyse de référence.
Les outils de demain : ana-path « augmentée » par l’apport de l’intelligence artificielle :
- L’utilisation de scanners de lames permettent la numérisation des coupes histologiques et le télédiagnostic, et grâce à des algorithmes dédiés la réalisation d’une analyse fiable et reproductible des marquages immunohistochimiques (quantification numérique des facteurs pronostiques pour le cancer du sein comme l’index Ki67, les récepteurs hormonaux, le statut immunohistochimique HER2 et la validation assistée de la DDish Her2).
- Le développement de contrats de partenariat avec l’industrie dans le cadre de travaux de recherche et/ de validations de méthodes, particulièrement en intelligence artificielle.